Le projet de déviation Le Pertuis Saint-Hostien
est un sujet très clivant. Un riverain qui habite dans le village
du Pertuis vous dira qu’il attend cette déviation depuis très longtemps.
Au contraire un commerçant dont une bonne partie de son chiffre
d’affaire dépend du passage dans le village, ou encore un habitant
d’un hameau situé tout près de la déviation en projet, épargné jusqu’ici
par les nuisances de la route, vous diront qu’ils sont opposés au
projet. Mais est-ce que ces intérêts personnels qui divisent les
habitants sont réellement à considérer ? Est-ce qu’un intérêt général
supérieur ne serait pas à prendre à compte en priorité ?
Un projet destructeur pour gagner 2 minutes
de temps de trajet
Les derniers rapports du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur
l'Evolution du Climat ( GIEC), sonnent l’alarme en termes d’urgence
climatique et des risques que nous courrons collectivement à poursuivre
notre développement sur la trajectoire que nous avons empruntée
depuis les débuts de l’ère industrielle et même bien avant. Les
plus pessimistes osent même, aujourd’hui, parler de fin de l’humanité
sans que nous leur riions au nez. Même si quelques signes sont observables,
par chacun d’entre nous, pour prêter attention à ce genre de prédiction,
il est dangereux de sombrer dans ce pessimisme paralysant et il
est certainement préférable de penser que nous pouvons toujours
agir pour un avenir vivable. Or nous avons la certitude que l’intérêt
général ne consiste plus à augmenter sans cesse nos rejets de gaz
à effet de serre, à artificialiser nos sols et à détruire la biodiversité
comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. Et cela même si le projet
en question ne concerne qu’une fraction apparemment négligeable
des dégâts causés à la planète entière, car en la matière rien n’est
négligeable où alors tout l’est et dans ce dernier cas notre avenir
commun sera bien sombre.
Le projet de déviation de la RN88 Le Pertuis-Saint-Hostien
correspond à une distance de 10,7 km (avec 140 hectares de sols
artificialisés) au lieu des 9,4 km actuels. Soit un trajet 1,14
fois plus long. Ce qui entraine de facto une augmentation de la
consommation de carburant proche de 14% et donc une augmentation
des rejets de gaz à effet de serre de 14%. Mais la comparaison ne
s’arrête pas là puisqu’en roulant à 110 km/h plutôt qu’à 70km/h
(vitesse moyenne fréquente sur le tronçon actuel qui traverse les
deux villages) et pour des distances parcourues identiques, la consommation
de carburant augmente encore car les frottements dus à la résistance
de l’air croissent comme le carré de la vitesse. Lorsque la vitesse
double, ce type de frottements est multiplié par 4. Non seulement
les travaux liés à la réalisation de la déviation entraineront un
surplus de rejets de gaz à effet de serre qu’il serait probablement
intéressant d’évaluer mais en plus la quantité de gaz rejetée tous
les jours augmentera lorsque la circulation routière empruntera
la déviation par rapport au trajet actuel. Sans compter que la réalisation
de cette déviation n’a de sens que si la circulation augmente encore
sur le tronçon car avec 14 000 véhicules par jour, il n’y a pas
actuellement de saturation.
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De plus les rétrécissements des viaducs du
Ramel et du Lignon, à 2 fois une voie, limiteront toujours
le débit de véhicules sur l’ensemble du trajet Firminy-Le
Puy.
A l'arrière plan , le viaduc de Pont
de Lignon, près de Monistrol (deux fois une voie )
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Si on considère que la vitesse moyenne sur le trajet
actuel qui traverse deux villages est de 70km/h et que la vitesse
moyenne sur l’éventuel futur trajet de la déviation soit de 110
km/h, alors la durée du trajet actuel est de 8 minutes et celle
envisageable en empruntant la déviation serait de 5,8 minutes. Le
gain de temps permis par la déviation serait donc à peine supérieur
à 2 minutes. Ces deux minutes gagnées risquent de nous coûter
cher en termes d’impacts environnementaux : augmentation des rejets
de gaz à effet de serre, artificialisation des sols, destruction
de la biodiversité. Cette dernière est avérée par l’arrêté préfectoral
qui impose des surfaces de compensation très supérieures à celles
détruites. Il est donc admis que cette « transplantation » de biodiversité
n’est pas efficace. Ce projet est complétement incompréhensible
de notre point de vue et il l’est probablement encore moins pour
les plus jeunes sensibilisés aux problématiques environnementales.
A cela vient s’ajouter la perte de surface agricole
et une modification importante des écoulements des eaux souterraines
qui viendront encore diminuer les capacités locales de résilience
(de nombreux hameaux risquent de voir leurs sources déviées, des
prés encore humides fin août risquent de ne plus l’être). Les agriculteurs,
amputés d’une partie de leur surface exploitable, seront fragilisés.
Et, avec eux, nous le sommes aussi car ne l’oublions pas, ce sont
eux qui nourrissent l’humanité. Les commerçants du Pertuis pourraient
également subir le même sort. Cette déviation destructrice, censée
désenclaver un territoire qui l’est déjà, ne risque-t-elle pas d’emmener
avec elle une partie de ses forces vives ?
Arrêtons-nous pour réfléchir un peu ! Parfois il
est sage de savoir faire demi-tour pour emprunter un autre chemin.
Est-ce que cette déviation apporte vraiment plus de solutions qu’elle
ne pose de problèmes ?
Des alternatives existent notamment pour renforcer
la sécurité sur le tronçon actuel
Quant à l’aspect de la sécurité routière, qui nous
concerne tous, il devrait être possible de sécuriser la route actuelle
à moindre coût avec des protections centrales et un faible élargissement,
des glissières de sécurité et une vitesse réduite, en y incorporant
des structures qui protégeraient les riverains du bruit et qui permettraient
aux piétons de traverser la route dans les villages, en toute sécurité.
Il s’agirait d’un chantier de moindre ampleur qui permettrait à
des entreprises locales de prétendre à la réalisation des travaux.
Il resterait largement à la Région de quoi investir dans des transports
en commun digne de ce nom le long de la RN88.
Pourquoi ne pas investir dans la voie ferrée entre
Saint Etienne et Le Puy qui pourrait très bien, de nouveau, transporter
des marchandises et limiter le nombre des camions qui passent actuellement
par « le haut » ? Un tel projet de rénovation ferroviaire ne serait-il
pas plus à même de résoudre les problématiques actuelles ?
Le projet de déviation Le Pertuis- Saint-Hostien
nous divise alors que l’heure serait plutôt à allier nos forces
pour faire face à l’urgence climatique et à la destruction des écosystèmes
qui font la stabilité de notre environnement, la pandémie actuelle
en est une conséquence parmi d’autres. Ce projet a été « remis sur
la table » par la Région car il sert probablement des intérêts particuliers
qui dépassent le simple citoyen, mais il faut avouer qu’il est très
difficile d’y percevoir l’intérêt général même en faisant preuve
de bonne volonté.
Nathalie et Francis Collet, habitants du Pertuis
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