RN88 : Où est l’intérêt général dans ce projet ?


Le projet de déviation Le Pertuis-Saint-Hostien nous divise alors que l’heure serait plutôt à allier nos forces pour faire face à l’urgence climatique et à la destruction des écosystèmes qui font la stabilité de notre environnement, la pandémie actuelle en est une conséquence parmi d’autres. Ce projet a été « remis sur la table » par la Région car il sert probablement des intérêts particuliers qui dépassent le simple citoyen, mais il faut avouer qu’il est très difficile d’y percevoir l’intérêt général même en faisant preuve de bonne volonté.

C'est la conclusion de la lettre de deux habitants du Pertuis
L'intégral, ci-dessous

 

Le projet de déviation Le Pertuis Saint-Hostien est un sujet très clivant. Un riverain qui habite dans le village du Pertuis vous dira qu’il attend cette déviation depuis très longtemps. Au contraire un commerçant dont une bonne partie de son chiffre d’affaire dépend du passage dans le village, ou encore un habitant d’un hameau situé tout près de la déviation en projet, épargné jusqu’ici par les nuisances de la route, vous diront qu’ils sont opposés au projet. Mais est-ce que ces intérêts personnels qui divisent les habitants sont réellement à considérer ? Est-ce qu’un intérêt général supérieur ne serait pas à prendre à compte en priorité ?

Un projet destructeur pour gagner 2 minutes de temps de trajet
Les derniers rapports du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat ( GIEC), sonnent l’alarme en termes d’urgence climatique et des risques que nous courrons collectivement à poursuivre notre développement sur la trajectoire que nous avons empruntée depuis les débuts de l’ère industrielle et même bien avant. Les plus pessimistes osent même, aujourd’hui, parler de fin de l’humanité sans que nous leur riions au nez. Même si quelques signes sont observables, par chacun d’entre nous, pour prêter attention à ce genre de prédiction, il est dangereux de sombrer dans ce pessimisme paralysant et il est certainement préférable de penser que nous pouvons toujours agir pour un avenir vivable. Or nous avons la certitude que l’intérêt général ne consiste plus à augmenter sans cesse nos rejets de gaz à effet de serre, à artificialiser nos sols et à détruire la biodiversité comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. Et cela même si le projet en question ne concerne qu’une fraction apparemment négligeable des dégâts causés à la planète entière, car en la matière rien n’est négligeable où alors tout l’est et dans ce dernier cas notre avenir commun sera bien sombre.

Le projet de déviation de la RN88 Le Pertuis-Saint-Hostien correspond à une distance de 10,7 km (avec 140 hectares de sols artificialisés) au lieu des 9,4 km actuels. Soit un trajet 1,14 fois plus long. Ce qui entraine de facto une augmentation de la consommation de carburant proche de 14% et donc une augmentation des rejets de gaz à effet de serre de 14%. Mais la comparaison ne s’arrête pas là puisqu’en roulant à 110 km/h plutôt qu’à 70km/h (vitesse moyenne fréquente sur le tronçon actuel qui traverse les deux villages) et pour des distances parcourues identiques, la consommation de carburant augmente encore car les frottements dus à la résistance de l’air croissent comme le carré de la vitesse. Lorsque la vitesse double, ce type de frottements est multiplié par 4. Non seulement les travaux liés à la réalisation de la déviation entraineront un surplus de rejets de gaz à effet de serre qu’il serait probablement intéressant d’évaluer mais en plus la quantité de gaz rejetée tous les jours augmentera lorsque la circulation routière empruntera la déviation par rapport au trajet actuel. Sans compter que la réalisation de cette déviation n’a de sens que si la circulation augmente encore sur le tronçon car avec 14 000 véhicules par jour, il n’y a pas actuellement de saturation.

De plus les rétrécissements des viaducs du Ramel et du Lignon, à 2 fois une voie, limiteront toujours le débit de véhicules sur l’ensemble du trajet Firminy-Le Puy.

 

A l'arrière plan , le viaduc de Pont de Lignon, près de Monistrol (deux fois une voie )

 

Si on considère que la vitesse moyenne sur le trajet actuel qui traverse deux villages est de 70km/h et que la vitesse moyenne sur l’éventuel futur trajet de la déviation soit de 110 km/h, alors la durée du trajet actuel est de 8 minutes et celle envisageable en empruntant la déviation serait de 5,8 minutes. Le gain de temps permis par la déviation serait donc à peine supérieur à 2 minutes. Ces deux minutes gagnées risquent de nous coûter cher en termes d’impacts environnementaux : augmentation des rejets de gaz à effet de serre, artificialisation des sols, destruction de la biodiversité. Cette dernière est avérée par l’arrêté préfectoral qui impose des surfaces de compensation très supérieures à celles détruites. Il est donc admis que cette « transplantation » de biodiversité n’est pas efficace. Ce projet est complétement incompréhensible de notre point de vue et il l’est probablement encore moins pour les plus jeunes sensibilisés aux problématiques environnementales.

A cela vient s’ajouter la perte de surface agricole et une modification importante des écoulements des eaux souterraines qui viendront encore diminuer les capacités locales de résilience (de nombreux hameaux risquent de voir leurs sources déviées, des prés encore humides fin août risquent de ne plus l’être). Les agriculteurs, amputés d’une partie de leur surface exploitable, seront fragilisés. Et, avec eux, nous le sommes aussi car ne l’oublions pas, ce sont eux qui nourrissent l’humanité. Les commerçants du Pertuis pourraient également subir le même sort. Cette déviation destructrice, censée désenclaver un territoire qui l’est déjà, ne risque-t-elle pas d’emmener avec elle une partie de ses forces vives ?

Arrêtons-nous pour réfléchir un peu ! Parfois il est sage de savoir faire demi-tour pour emprunter un autre chemin. Est-ce que cette déviation apporte vraiment plus de solutions qu’elle ne pose de problèmes ?

Des alternatives existent notamment pour renforcer la sécurité sur le tronçon actuel

Quant à l’aspect de la sécurité routière, qui nous concerne tous, il devrait être possible de sécuriser la route actuelle à moindre coût avec des protections centrales et un faible élargissement, des glissières de sécurité et une vitesse réduite, en y incorporant des structures qui protégeraient les riverains du bruit et qui permettraient aux piétons de traverser la route dans les villages, en toute sécurité. Il s’agirait d’un chantier de moindre ampleur qui permettrait à des entreprises locales de prétendre à la réalisation des travaux. Il resterait largement à la Région de quoi investir dans des transports en commun digne de ce nom le long de la RN88.

Pourquoi ne pas investir dans la voie ferrée entre Saint Etienne et Le Puy qui pourrait très bien, de nouveau, transporter des marchandises et limiter le nombre des camions qui passent actuellement par « le haut » ? Un tel projet de rénovation ferroviaire ne serait-il pas plus à même de résoudre les problématiques actuelles ?

Le projet de déviation Le Pertuis- Saint-Hostien nous divise alors que l’heure serait plutôt à allier nos forces pour faire face à l’urgence climatique et à la destruction des écosystèmes qui font la stabilité de notre environnement, la pandémie actuelle en est une conséquence parmi d’autres. Ce projet a été « remis sur la table » par la Région car il sert probablement des intérêts particuliers qui dépassent le simple citoyen, mais il faut avouer qu’il est très difficile d’y percevoir l’intérêt général même en faisant preuve de bonne volonté.

Nathalie et Francis Collet, habitants du Pertuis

 
 
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